Les médias : entre auto-promotion et service

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Les médias : entre auto-promotion et service
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Message du Pape Benoît XVI pour la 42e Journée mondiale des Communications sociales qui sera célébrée le dimanche 4 mai 2008

Le 24 janvier a été rendu public le Message de Benoît XVI pour la 42e Journée mondiale des Communications sociales qui sera célébrée le 4 mai prochain. Elle traite cette année du rôle des médias, rôle dont le Pape souligne toute l'ambiguïté. En effet, si leur mission première est normalement d'informer, un grand nombre de médias semble de plus en plus agir sous l'emprise et le contrôle de groupes influents qui utilisent des moyens de communication très puissants pour orienter et « manipuler les consciences » et servir avant tout leurs propres intérêts. Préoccupé par cette situation, Benoît XVI rappelle que seuls la recherche de la vérité et le désir de la communiquer devraient guider les personnes en charge des communications sociales. Texte original anglais. La version française qui suit a été publiée dans la revue LA DOCUMENTATION CATHOLIQUE (no 2397, 2 mars 2008).

Chers Frères et Soeurs !

1. Le thème de la prochaine Journée mondiale des Communications sociales « Les médias : entre auto-promotion et service. Rechercher la Vérité pour la partager » met en lumière l'importance du rôle des moyens de communication sociale dans la vie des individus et de la société. À vrai dire, il n'existe aucun domaine de l'expérience humaine, au regard notamment du vaste phénomène de la mondialisation, où les médias ne soient pas devenus partie constitutive des relations interpersonnelles et des processus sociaux, économiques, politiques et religieux. À ce propos, comme je l'ai écrit dans mon Message pour la Journée mondiale de la Paix du 1er janvier dernier : « Les moyens de communication sociale, par les potentialités éducatives dont ils disposent, ont une responsabilité spéciale pour promouvoir le respect de la famille, pour illustrer ses attentes et ses droits, pour mettre en évidence sa beauté » (n. 5).

2. Grâce à une vertigineuse évolution technologique, ces moyens ont acquis des potentialités extraordinaires, posant en même temps des questions et des problèmes nouveaux et inédits. On ne peut nier qu'ils contribuent à la circulation de l'information, à la connaissance des événements et à la diffusion du savoir : par exemple, ils ont contribué de manière décisive à l'alphabétisation et à la socialisation, ainsi qu'au développement de la démocratie et du dialogue entre les peuples. Sans leur apport, il serait vraiment difficile de favoriser et d'améliorer la compréhension entre les nations, de donner du souffle au dialogue de paix à travers le monde, de garantir à l'homme l'accès primordial à l'information, tout en assurant la libre circulation des idées et surtout des idéaux de solidarité et de justice sociale. Oui ! Dans leur ensemble, les médias ne sont pas seulement des moyens pour la diffusion des idées, mais ils peuvent et devraient être aussi des instruments au service d'un monde plus juste et plus solidaire. Le risque, hélas, est qu'ils se transforment au contraire en systèmes destinés à soumettre l'homme à des logiques dictées par les intérêts dominants du moment. C'est le cas d'une communication utilisée à des fins idéologiques ou pour la diffusion de produits de consommation au moyen d'une publicité agressive. Sous prétexte de représenter la réalité, on tend de fait à légitimer et à imposer des modèles dévoyés de vie personnelle, familiale ou sociale. En outre, pour faire grimper l'audimat, on n'hésite pas à recourir parfois à la transgression, à la vulgarité et à la violence. Enfin parfois, les médias proposent et soutiennent des modèles de développement qui augmentent, plutôt que de la réduire, la fracture technologique entre pays riches et pays pauvres.

L'ambiguïté du progrès

3. L'humanité se trouve aujourd'hui à un carrefour. Ce que j'ai écrit dans l'Encyclique Spe salvi à propos de l'ambiguïté du progrès vaut aussi pour les médias, qui offrent des potentialités inédites pour le bien, mais qui ouvrent en même temps des potentialités abyssales de mal n'existant pas auparavant (cf. n. 22). Il est par conséquent nécessaire de se demander s'il est sage de laisser les moyens de communication sociale être assujettis à un fonctionnement aveugle ou finir par être à la merci de ceux qui s'en servent pour manipuler les consciences. Ne devrait-on pas plutôt faire en sorte qu'ils restent au service de la personne et du bien commun et qu'ils favorisent « la formation éthique de l'homme, pour la croissance de l'homme intérieur » (ibid.) ? Leur extraordinaire impact sur la vie des individus et de la société est un élément largement reconnu, mais on doit aujourd'hui mettre en évidence le tournant radical, je dirais même la véritable mutation, qu'ils sont en train d'opérer. Aujourd'hui, les médias semblent avoir de plus en plus la prétention non seulement de représenter la réalité, mais de la déterminer grâce au pouvoir et à la force de suggestion qu'ils possèdent. Il est clair, par exemple, que, dans certaines situations, les médias sont utilisés non pas pour remplir correctement leur rôle d'information, mais pour « créer » les événements eux-mêmes. Cette périlleuse mutation de leur fonction suscite la préoccupation de nombreux pasteurs. Parce qu'il s'agit évidemment de réalités qui pèsent lourdement sur toutes les dimensions de la vie humaine (morale, intellectuelle, religieuse, relationnelle, affective, culturelle), mettant en jeu le bien de la personne, il faut réaffirmer que tout ce qui est possible du point de vue technique n'est pas éthiquement permis. L'impact des moyens de communication sur la vie de l'homme contemporain pose donc des questions que l'on ne peut éluder, et qui demandent des choix et des réponses qui ne peuvent être renvoyés à plus tard.

Quand la communication échappe au contrôle social

4. Le rôle que les moyens de communication sociale ont acquis dans la société doit désormais être considéré comme partie intégrante de la question anthropologique, qui apparaît comme le défi crucial du troisième millénaire. De manière identique à ce qui se passe dans le domaine de la vie humaine, du mariage et de la famille, et au sujet des grandes questions contemporaines concernant la paix, la justice et la sauvegarde de la création, sont en jeu, également dans le secteur des communications sociales, des dimensions constitutives de l'homme et de la vérité qui le concerne. Lorsque la communication perd ses ancrages éthiques et échappe au contrôle social, elle finit par ne plus tenir compte du caractère central et de la dignité inviolable de l'homme, risquant de peser négativement sur sa conscience, sur ses choix, et de conditionner en fin de compte la liberté et la vie même des personnes. Voilà pourquoi il est indispensable que les communications sociales prennent soin de défendre la personne et respectent pleinement sa dignité. Un certain nombre de gens pensent qu'une « info-éthique » est aujourd'hui nécessaire dans ce domaine, de la même façon qu'il existe la bioéthique en médecine et dans la recherche scientifique liée à la vie.

La vérité rend libre

5. Il convient d'éviter que les médias deviennent les porte-parole du matérialisme économique et du relativisme éthique, véritables plaies de notre temps. Ils peuvent et doivent par contre contribuer à faire connaître la vérité sur l'homme, en la défendant devant ceux qui tendent à la nier ou à la détruire. On peut dire plus encore que la recherche et la présentation de la vérité sur l'homme constituent la vocation la plus haute de la communication sociale. Utiliser à cette fin les techniques les plus raffinées et les plus séduisantes dont les médias disposent, tel est le devoir exaltant confié en premier lieu aux responsables et aux personnes travaillant dans ce secteur. Mais ce devoir, dans un sens, nous concerne tous, car tous, à l'époque de la mondialisation, nous sommes bénéficiaires et agents de communications sociales. Les nouveaux médias la téléphonie et Internet en particulier sont en train de modifier la physionomie même de la communication ; c'est peut-être là une occasion précieuse de la redessiner, pour rendre plus visibles, comme l'a dit mon vénéré prédécesseur JeanPaul II, les aspects essentiels et inaliénables de la vérité sur la personne humaine (cf. Lettre apost. Le progrès rapide, 10).

6. L'homme a soif de vérité, il est à la recherche de la vérité ; ceci se manifeste aussi à travers l'attention et le succès enregistrés par de nombreux produits éditoriaux, émissions ou fictions de qualité, où la vérité, la beauté et la grandeur de la personne, y compris sa dimension religieuse, sont reconnues et bien représentées. Jésus a dit : « Vous connaîtrez la vérité et la vérité vous rendra libres » (Jn 8, 32). La vérité qui nous rend libres est le Christ, parce que lui seul peut répondre pleinement à la soif de vie et d'amour qui est dans le coeur de l'homme. Celui qui l'a rencontré et qui se passionne pour son message fait l'expérience du désir irrésistible de partager et de communiquer cette vérité : « Ce qui était depuis le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons contemplé de nos yeux écrit saint Jean , ce que nous avons vu et que nos mains ont touché, c'est le Verbe, la parole de la vie [...], nous vous l'annonçons, à vous aussi, pour que vous aussi, vous soyez en communion avec nous. Et nous, nous sommes en communion avec le Père et avec son Fils Jésus-Christ. C'est nous qui écrivons cela afin que nous ayons la plénitude de la joie » (1 Jn 1, 1-3).

Invoquons l'Esprit Saint, pour qu'il y ait des responsables de la communication courageux et d'authentiques témoins de la vérité qui, fidèles à l'injonction du Christ et passionnés par le message de la foi, « sachent se faire les interprètes des instances culturelles actuelles, s'engageant à vivre notre époque de la communication non pas comme un temps d'aliénation et d'égarement, mais comme un temps précieux pour la recherche de la vérité et pour le développement de la communion entre les personnes et entre les peuples » (JeanPaul II, Discours à ceux qui travaillent dans les communications et la culture, 9 novembre 2002).

Avec ce souhait, je donne à tous avec affection ma Bénédiction.

Du Vatican, le 24 janvier 2008, fête de saint François de Sales.

BENOÎT XVI

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