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La révélation publique du troisième secret de Fatima

"LE MESSAGE DE FATIMA" CONGRÉGATION POUR LA DOCTRINE DE LA FOI

SOMMAIRE:

I. PRESENTATION historique
par Mgr TARCISIO BERTONE, sdb
Archevêque émérite de Verceil
Secrétaire de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi

II. LE "SECRET" DE FATIMA

1. PREMIÈRE ET DEUXIÈME PARTIES DU «SECRET»
Dans la rédacion de Sr Lucie, dans le «TROISIÈME MÉMOIRE» du 31 AOÛT 1941
Destiné à l'évêque de Leiria-Fatima(texte original et traduction)

2. TROISIÈME PARTIE DU «SECRET» (texte original et traduction)

III. INTERPRETATION DU «SECRET» (pp. 22-44)

1. LETTRE DE JEAN-PAUL II À SOEUR LUCIE (texte original et traduction), pp.

2. RENCONTRE AVEC SOEUR MARIA LUCIA DE JESUS
Compte rendu de l'entretien de Soeur Lucie
avec Mgr Tarcisio Bertone
et Mgr Serafim de Sousa Ferreira e Silva, évêque de Leiria-Fatima
Jeudi 27 avril dernier, dans le Carmel de Sainte-Thérèse à Coimbra

3. COMMUNICATION DU CARDINAL ANGELO SODANO
Secrétaire d'Etat de Sa sainteté

4. COMMENTAIRE THÉOLOGIQUE DU CARDINAL JOSEPH RATZINGER
Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi

IV. NOTES


I. PRÉSENTATION

Dans le passage du deuxième au troisième millénaire, le Pape Jean-Paul II a décidé de rendre public le texte de la troisième partie du «secret de Fatima».

Après les événements dramatiques et cruels du vingtième siècle, un des siècles les plus cruciaux de l'histoire de l'humanité, qui trouve son point culminant avec l'attentat sanglant envers le «doux Christ sur la terre», s'ouvre donc un voile sur une réalité qui marque l'histoire et qui l'interprète en profondeur, selon une dimension spirituelle à laquelle la mentalité actuelle, souvent empreinte de rationalisme, est réfractaire.

Apparitions et signes surnaturels scandent l'histoire, elles entrent dans le vif des vicissitudes humaines et accompagnent le chemin du monde, surprenant croyants et non-croyants.Ces manifestations, qui ne peuvent pas contredire le contenu de la foi, doivent converger vers l'objet central de l'annonce du Christ: l'amour du Père qui suscite chez les hommes la conversion et qui donne la grâce pour s'abandonner à Lui avec une dévotion filiale. Tel est aussi le message de Fatima qui, avec l'appel déchirant à la conversion et à la pénitence, porte en réalité au coeur de l'Évangile.

Fatima est sans aucun doute la plus prophétique des apparitions modernes.La première et la deuxième parties du «secret» qui sont publiées dans l'ordre pour l'intégralité de la documentation concernent avant tout la vision épouvantable de l'enfer, la dévotion au Coeur immaculé de Marie, la deuxième guerre mondiale, ainsi que la prédiction des très graves dommages que la Russie, abandonnant la foi chrétienne et adhérant au totalitarisme communiste, devait apporter à l'humanité.

En 1917, personne n'aurait pu imaginer tout cela; les trois pastorinhos de Fatima voient, écoutent, gardent tout en mémoire, et Lucie, témoin survivant, à partir du moment où elle en a reçu l'ordre par l'évêque et la permission de Notre-Dame, le met par écrit.

En ce qui concerne la description des deux premières parties du «secret», déjà publiées par ailleurs et donc connues, on a choisi le texte écrit de Soeur Lucie dans le troisième mémoire du 31 août 1941; dans le quatrième mémoire du 8 décembre 1941, elle y a ajouté quelques annotations. La troisième partie du «secret» fut écrite «sur l'ordre de Son Excellence l'Évêque de Leiria et de la Sainte Mère» le 3 janvier 1944.

Il existe un seul manuscrit, qui est ici reproduit photographiquement. L'enveloppe scellée fut gardée d'abord par l'évêque de Leiria.Pour mieux conserver le «secret», l'enveloppe fut remise le 4 avril 1957 aux Archives secrètes du Saint-Office.Soeur Lucie en fut avertie par l'évêque de Leiria.

Selon des notes d'archives, en accord avec le Cardinal Alfredo Ottaviani, le 17 août 1959, le Commissaire du Saint-Office, le Père Pierre-Paul Philippe, op, porta à Jean XXIII l'enveloppe contenant la troisième partie du «secret de Fatima». Sa Sainteté, «après certaines hésitations», dit: «Attendons, je prierai. Je vous ferai savoir ce que j'ai décidé».(1)

En réalité, le Pape Jean XXIII décida de renvoyer l'enveloppe scellée au Saint-Office et de ne pas révéler la troisième partie du «secret».

Paul VI lut le contenu avec le Substitut, Mgr Angelo Dell'Acqua, le 27 mars 1965, puis renvoya l'enveloppe aux Archives secrètes du Saint-Office, décidant de ne pas publier le texte.

Pour sa part, Jean-Paul II a demandé l'enveloppe contenant la troisième partie du «secret» après l'attentat du 13 mai 1981. Son Éminence le Cardinal Franjo Seper, Préfet de la Congrégation, remit à Son Excellence Monseigneur Eduardo Martinez Somalo, Substitut de la Secrétairerie d'État, le 18 juillet 1981, deux enveloppes: l'une blanche, avec le texte original de Soeur Lucie en langue portugaise; l'autre de couleur orange, avec la traduction du «secret» en langue italienne. Le 11 août suivant, Mgr Martinez a rendu les deux enveloppes aux Archives du Saint-Office.(2)

Comme on le sait, le Pape Jean-Paul II pensa aussitôt à la consécration du monde au Coeur immaculé de Marie et composa lui-même une prière pour ce qu'il définit «un acte de consécration» à célébrer dans la Basilique Sainte-Marie-Majeure, le 7 juin 1981, solennité de la Pentecôte, jour choisi pour rappeler le 1600e anniversaire du premier Concile de Constantinople et le 1550e anniversaire du Concile d'Éphèse. Le Pape étant par force absent, on transmit son allocution enregistrée. Nous donnons le texte qui se réfère exactement à l'acte de consécration:

«Mère des hommes et des peuples, toi qui connais toutes leurs souffrances et leurs espérances, toi qui ressens d'une façon maternelle toutes les luttes entre le bien et le mal, entre la lumière et les ténèbres qui secouent le monde, accueille l'appel que, dans l'Esprit Saint, nous adressons directement à ton coeur, et embrasse dans ton amour de mère et de servante du Seigneur, ceux qui ont le plus besoin de ta tendresse et aussi ceux dont tu attends toi-même d'une façon particulière qu'ils s'en remettent à toi. Prends sous ta protection maternelle toute la famille humaine que, dans un élan affectueux, nous remettons entre tes mains, ô notre Mère. Que vienne pour tous le temps de la paix et de la liberté, le temps de la vérité, de la justice et de l'espérance».(3)

Mais le Saint-Père, pour répondre plus complètement aux demandes de «Notre-Dame», voulut expliciter au cours de l'Année sainte de la Rédemption l'acte de consécration du 7 juin 1981, repris à Fatima le 13 mai 1982. Le 25 mars 1984, sur la place Saint-Pierre, en union spirituelle avec tous les évêques du monde, «convoqués» précédemment, évoquant le fiat prononcé par Marie au moment de l'Annonciation, le Pape consacre au Coeur immaculée de Marie les hommes et les peuples, avec des accents qui rappellent des paroles poignantes prononcées en 1981:

C'est pourquoi, ô Mère des hommes et des peuples, toi qui connais toutes leurs souffrances et leurs espérances, toi qui ressens d'une façon maternelle toutes les luttes entre le bien et le mal, entre la lumière et les ténèbres qui secouent le monde contemporain, reçoit l'appel que, mus par l'Esprit Saint, nous adressons directement à ton Coeur, et avec ton amour de mère et de servante du Seigneur, embrasse notre monde humain, que nous t'offrons et te consacrons, pleins d'inquiétude pour le sort terrestre et éternel des hommes et des peuples. Nous t'offrons et te consacrons d'une manière spéciale les hommes et les nations qui ont particulièrement besoin de cette offrande et de cette consécration.

«Sous l'abri de ta miséricorde, nous nous réfugions, sainte Mère de Dieu!» «Ne rejette pas nos prières alors que nous sommes dans l'épreuve!».

Puis le Pape poursuit avec des références plus fortes et plus concrètes, comme un commentaire du Message de Fatima dans sa triste réalisation:

«Devant toi, Mère du Christ, devant ton Coeur immaculé, nous voulons aujourd'hui, avec toute l'Église, nous unir à la consécration que ton Fils a faite de lui-même à son Père, par amour pour nous: "Pour eux, a-t-il dit, je me consacre moi-même, afin qu'ils soient eux aussi consacrés en vérité" (Jn 17, 19). Nous voulons nous unir à notre Rédempteur en cette consécration pour le monde et pour les hommes, laquelle, dans le coeur divin, a le pouvoir d'obtenir le pardon et de procurer la réparation.

La puissance de cette consécrationdure dans tous les temps, elle embrasse tous les hommes, peuples et nations, elle surpasse tout mal que l'esprit des ténèbres est capable de réveiller dans le coeur de l'homme et dans son histoire, et que, de fait, il a réveillé à notre époque.

Combien profondément nous sentons le besoin de consécration pour l'humanité et pour le monde, pour notre monde contemporain, dans l'unité du Christ lui-même! À l'oeuvre rédemptrice du Christ, en effet, doit participer le monde par l'intermédiaire de l'Église.

C'est ce que manifeste la présente Année de la Rédemption, le Jubilé extraordinaire de toute l'Église.

En cette Année sainte, bénie sois-tu par-dessus toute créature, toi, la servante du Seigneur, qui as obéi de la manière la plus pleine à ce divin appel!

Sois saluée, toi qui t'es entièrement unie à la consécration rédemptrice de ton Fils!

Mère de l'Église! Enseigne au Peuple de Dieu les chemins de la foi, de l'espérance et de la charité! Éclaire spécialement les peuples dont tu attends de nous la consécration et l'offrande! Aide-nous à vivre dans la vérité de la consécration du Christ pour toute la famille humaine du monde contemporain!

En te confiant, ô Mère, le monde, tous les hommes et tous les peuples, nous te confions aussi la consécration même du monde et nous la mettons dans ton coeur maternel.

Ô Coeur immaculé! Aide-nous à vaincre la menace du mal qui s'enracine si facilement dans le coeur des hommes d'aujourd'hui et qui, avec ses effets incommensurables, pèse déjà sur la vie actuelle et semble fermer les voies vers l'avenir!

De la faim et de la guerre, délivre-nous!

De la guerre nucléaire, d'une autodestruction incalculable, de toutes sortes de guerres, délivre-nous!

Des péchés contre la vie de l'homme depuis ses premiers moments, délivre-nous!

De la haine et de la dégradation de la dignité des fils de Dieu, délivre-nous!

De tous les genres d'injustice dans la vie sociale, nationale et internationale, délivre-nous!

De la facilité avec laquelle on piétine les commandements de Dieu, délivre-nous!

De la tentative d'éteindre dans les coeurs humains la vérité même de Dieu, délivre-nous!

De la perte de la conscience du bien et du mal, délivre-nous!

Des péchés contre l'Esprit Saint, délivre-nous! Délivre-nous!

Écoute, ô Mère du Christ, ce cri chargé de la souffrance de tous les hommes! Chargé de la souffrance de sociétés entières!

Aide-nous, par la puissance de l'Esprit Saint, à vaincre tout péché: le péché de l'homme et le "péché du monde", le péché sous toutes ses formes.

Que se révèle encore une fois dans l'histoire du monde l'infinie puissance salvifique de la Rédemption, la puissance de l'amour miséricordieux! Qu'il arrête le mal! Qu'il transforme les consciences! Que dans ton Coeur immaculé se manifeste pour tous la lumière de l'espérance!».(4)

Soeur Lucie confirma personnellement que cet acte solennel et universel de consécration correspondait à ce que voulait Notre-Dame («Sim, està feita, tal como Nossa Senhora a pediu, desde o dia 25 de Março de 1984»: «Oui, cela a été fait, comme Notre-Dame l'avait demandé, le 25 mars 1984»: lettre du 8 novembre 1989). C'est pourquoi toute discussion, toute nouvelle pétition est sans fondement.

Dans la documentation ici présentée, on a ajouté aux manuscrits de Soeur Lucie quatre autres textes: 1) la lettre du Saint-Père à Soeur Lucie datée du 19 avril 2000; 2) une description de la rencontre avec Soeur Lucie du 27 avril 2000; 3) la communication lue par mandat du Saint-Père à Fatima le 13 mai dernier par Son Éminence le Cardinal Angelo Sodano, Secrétaire d'État; 4) le commentaire théologique de Son Éminence le Cardinal Joseph Ratzinger, Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi.

Une indication pour l'interprétation de la troisième partie du «secret» avait déjà été donnée par Soeur Lucie dans une lettre au Saint-Père le 12 mai 1982. Dans cette dernière, elle écrivait:

«La troisième partie du secret se réfère aux paroles de notre-Dame: "Sinon la Russie répandra ses erreurs à travers le monde, favorisant guerres et persécutions envers l'Église. Les bons seront martyrisés, le Saint-Père aura beaucoup à souffrir, diverses nations seront détruites" (13-VI-1917).

La troisième partie du secret est une révélation symbolique, qui se réfère à cette partie du Message, conditionné par le fait que nous acceptions ou non ce que le Message lui-même nous demande: "si on accepte mes demandes, la Russie se convertira et on aura la paix; sinon elle répandra ses erreurs à travers le monde, etc...".

Comme nous n'avons par tenu compte de cet appel du Message, nous constatons qu'il s'est réalisé, la Russie a inondé le monde de ses erreurs. Et si nous ne constatons pas encore la réalisation totale de la fin de cette prophétie, nous voyons que nous nous y acheminons peu à peu à grands pas. Si nous ne renonçons pas au chemin de péché, de haine, de vengeance qui viole les droits de la personne humaine, d'immoralité et de violence, etc.

Et ne disons pas que c'est Dieu qui ainsi nous punit; au contraire, ce sont les hommes qui préparent eux-mêmes leur châtiment. Dans sa sollicitude, Dieu nous avertit et nous incite à prendre le bon chemin, respectant la liberté qu'il nous a donnée; c'est pourquoi les hommes sont responsables».(5)

La décision du Pape Jean-Paul II de rendre publique la troisième partie du «secret» de Fatima conclut une période de l'histoire, marquée par de tragiques volontés humaines de puissance et d'iniquité, mais pénétrée de l'amour miséricordieux de Dieu et de la vigilance prévenante de la Mère de Jésus et de l'Église.

Action de Dieu, Seigneur de l'histoire, et coresponsabilité de l'homme, dans sa dramatique et féconde liberté, tels sont les deux pivots sur lesquels se construit l'histoire de l'humanité.

La Vierge Marie apparue à Fatima nous rappelle ces valeurs oubliées, cet avenir de l'homme en Dieu, avenir dont nous sommes une part active et responsable.

Tarcisio Bertone, sdb
Archevêque émérite de Vercelli
Secrétaire de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi


II. LE «SECRET» DE FATIMA

1
PREMIÈRE ET DEUXIÈME PARTIES DU «SECRET»
DANS LA RÉDACTION QU'EN A FAITE SOEUR LUCIE
DANS LE «TROISIÈME MÉMOIRE» DU 31 AOÛT 1941
DESTINÉ A L'ÉVÊQUE DE LEIRIA-FATIMA
(traduction) (6)

«Je devrai, pour cela, parler un peu du secret et répondre à la première question.

En quoi consiste le secret?

Il me semble que je peux le dire puisque le Ciel m'en a déjà donné la permission. Les représentants de Dieu sur la terre m'ont eux aussi autorisée à le faire, à plusieurs reprises, par lettres. Je crois que Votre Excellence a conservé l'une d'elles, celle du Père José Bernardo Gonçalves, dans laquelle il m'ordonne d'écrire au Saint-Père. Un des points qu'il m'indique est la révélation du secret. J'en ai déjà dit quelque chose, mais pour ne pas trop allonger cet écrit, qui devait être bref, je me suis limitée à l'indispensable, laissant à Dieu l'occasion d'un moment plus favorable.

J'ai déjà exposé, dans le deuxième écrit, le doute qui m'avait tourmentée du 13 juin au 13 juillet, et qui disparut lors de cette dernière apparition.

Bien. Le secret comporte trois choses distinctes, et je vais en dévoiler deux. La première fut la vision de l'Enfer. Notre-Dame nous montra une grande mer de feu, qui paraissait se trouver sous la terre et, plongés dans ce feu, les démons et les âmes, comme s'ils étaient des braises transparentes, noires ou bronzées, avec une forme humaine. Ils flottaient dans cet incendie, soulevés par les flammes, qui sortaient d'eux-mêmes, avec des nuages de fumée. Ils retombaient de tous côtés, comme les étincelles retombent dans les grands incendies, sans poids ni équilibre, avec des cris et des gémissements de douleur et de désespoir qui horrifiaient et faisaient trembler de frayeur. Les démons se distinguaient par leurs formes horribles et dégoûtantes d'animaux épouvantables et inconnus, mais transparents et noirs. Cette vision dura un moment, grâce à notre bonne Mère du Ciel qui auparavant nous avait prévenus, nous promettant de nous emmener au Ciel (à la première apparition). Autrement, je crois que nous serions morts d'épouvante et de peur.

Ensuite nous levâmes les yeux vers Notre-Dame, qui nous dit avec bonté et tristesse:

-- Vous avez vu l'enfer où vont les âmes des pauvres pécheurs. Pour les sauver, Dieu veut établir dans le monde la dévotion à mon Coeur immaculé. Si l'on fait ce que je vais vous dire, beaucoup d'âmes seront sauvées et on aura la paix. La guerre va finir. Mais si l'on ne cesse d'offenser Dieu, sous le pontificat de Pie XI en commencera une autre pire encore. Lorsque vous verrez une nuit illuminée par une lumière inconnue, sachez que c'est le grand signe que Dieu vous donne, qu'Il va punir le monde de ses crimes par le moyen de la guerre, de la faim et des persécutions contre l'Église et le Saint-Père. Pour empêcher cette guerre, je viendrai demander la consécration de la Russie à mon Coeur immaculé et la communion réparatrice des premiers samedis. Si on accepte mes demandes, la Russie se convertira et on aura la paix; sinon elle répandra ses erreurs à travers le monde, provoquant des guerres et des persécutions contre l'Église. Les bons seront martyrisés, le Saint-Père aura beaucoup à souffrir, diverses nations seront détruites. À la fin, mon Coeur immaculé triomphera. Le Saint-Père me consacrera la Russie, qui se convertira, et il sera concédé au monde un certain temps de paix».(7)


2
TROISIÈME PARTIE DU «SECRET»
(traduction) (8)

«J.M.J.
La troisième partie du secret révélé le 13 juillet 1917 dans la Cova de Iria-Fatima.

J'écris en obéissance à Vous, mon Dieu, qui me le commandez par l'intermédiaire de son Exce Rév.me Monseigneur l'Évêque de Leiria et de Votre Très Sainte Mère, qui est aussi la mienne.

Après les deux parties que j'ai déjà exposées, nous avons vu sur le côté gauche de Notre-Dame, un peu plus en hauteur, un Ange avec une épée de feu dans la main gauche; elle scintillait et émettait des flammes qui, semblait-il, devaient incendier le monde; mais elles s'éteignaient au contact de la splendeur qui émanait de la main droite de Notre-Dame en direction de lui; l'Ange, indiquant la terre avec sa main droite, dit d'une voix forte: Pénitence! Pénitence! Pénitence! Et nous vîmes dans une lumière immense qui est Dieu: "Quelque chose de semblable à la manière dont se voient les personnes dans un miroir quand elles passent devant" un Évêque vêtu de Blanc, "nous avons eu le pressentiment que c'était le Saint-Père". Divers autres Évêques, Prêtres, religieux et religieuses monter sur une montagne escarpée, au sommet de laquelle il y avait une grande Croix en troncs bruts, comme s'ils étaient en chêne-liège avec leur écorce; avant d'y arriver, le Saint-Père traversa une grande ville à moitié en ruine et, à moitié tremblant, d'un pas vacillant, affligé de souffrance et de peine, il priait pour les âmes des cadavres qu'il trouvait sur son chemin; parvenu au sommet de la montagne, prosterné à genoux au pied de la grande Croix, il fut tué par un groupe de soldats qui tirèrent plusieurs coups avec une arme à feu et des flèches; et de la même manière moururent les uns après les autres les Évêques les Prêtres, les religieux et religieuses et divers laïcs, hommes et femmes de classes et de catégories sociales différentes. Sous les deux bras de la Croix, il y avait deux Anges, chacun avec un arrosoir de cristal à la main, dans lequel ils recueillaient le sang des Martyrs et avec lequel ils irriguaient les âmes qui s'approchaient de Dieu.


Tuy - 3-1-1944».

III. INTERPRETATION DU «SECRET»

1
LETTRE DE JEAN-PAUL II
À SOEUR LUCIE
(traduction)

Révérende Soeur
Maria Lucia

Couvent de Coimbra

Dans la joie des fêtes pascales, je vous adresse le souhait de Jésus ressuscité à ses disciples: «La paix soit avec vous!».

Je serai heureux de pouvoir vous rencontrer au cours du jour attendu de la béatification de Francisco et Jacinta que, si Dieu le veut, je proclamerai le 13 mai prochain.

Comme il n'y aura cependant pas de temps pour une rencontre mais seulement pour une brève salutation, j'ai expressément chargé Monseigneur Tarcisio Bertone, Secrétaire de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, de venir s'entretenir avec vous. C'est la Congrégation qui collabore le plus étroitement avec le Pape pour la défense de la vraie foi catholique et qui a conservé, comme vous le savez, depuis 1957, votre lettre manuscrite contenant la troisième partie du secret révélé le 13 juillet 1917 dans la Cova de Iria, à Fatima.

Monseigneur Bertone, accompagné de l'évêque de Leiria, Monseigneur Serafim de Sousa Ferreira e Silva, vient en mon nom pour vous poser quelques questions sur l'interprétation de la «troisième partie du secret».

Révérende Soeur Maria Lúcia, parlez très ouvertement et sincèrement à Monseigneur Bertone, qui me transmettra directement vos réponses.

Je prie ardemment la Mère du Ressuscité pour vous, pour la communauté de Coimbra et pour toute l'Église. Que Marie, Mère de l'humanité en pèlerinage, nous tienne toujours proches de Jésus, son Fils bien-aimé et notre Frère, Seigneur de la vie et de la gloire.

Avec une particulière Bénédiction apostolique.

JEAN-PAUL II.

Du Vatican, le 19 avril 2000.


2
RENCONTRE AVEC
SOEUR MARIA LUCIA DE JESUS
E DO CORAÇÃO IMACULADO

Le rendez-vous de Soeur Lucie avec Monseigneur Tarcisio Bertone, Secrétaire de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, envoyé du Saint-Père, et de Monseigneur Serafim de Sousa Ferreira e Silva, Évêque de Leiria-Fatima, a eu lieu le jeudi 27 avril dernier, dans le Carmel de Sainte-Thérèse à Coimbra.

Soeur Lucie était lucide et sereine; elle était très contente de la venue du Saint-Père à Fatima, pour la béatification de Francisco et Jacinta, qu'elle attendait depuis longtemps.

L'évêque de Leiria-Fatima lut la lettre autographe du Saint-Père qui expliquait les motifs de la visite. Soeur Lucie s'est sentie honorée et elle la relut personnellement, la contemplant dans ses mains. Elle s'est dite disposée à répondre franchement à toutes les questions.

Monseigneur Tarcisio Bertone lui présente alors les deux enveloppes: l'enveloppe extérieure et celle qui contient la lettre avec la troisième partie du «secret» de Fatima, et elle affirme aussitôt, la touchant avec ses doigts: «C'est mon papier», et puis en la lisant: «C'est mon écriture».

Avec l'aide de l'évêque de Leiria-Fatima, le texte original, qui est en portugais, est lu et interprété. Soeur Lucie partage l'interprétation selon laquelle la troisième partie du «secret» consiste en une vision prophétique, comparable à celles de l'histoire sainte. Elle réaffirme sa conviction que la vision de Fatima concerne avant tout la lutte du communisme athée contre l'Église et les chrétiens, et elle décrit l'immense souffrance des victimes de la foi du vingtième siècle.

À la question: «le personnage principal de la vision est-il le Pape?», Soeur Lucie répond immédiatement par l'affirmative et elle rappelle que les trois petits bergers étaient très tristes des souffrances du Pape, et que Jacinta répétait: «Coitadinho do Santo Padre, tenho muita pena dos pecadores!» («Pauvre Saint-Père, il a beaucoup de peine pour les pécheurs!»). Soeur Lucie continue: «Nous ne connaissions pas le nom du Pape, la Vierge ne nous a pas donné le nom du Pape, nous ne savions pas s'il s'agissait de Benoît XV ou de Pie XII ou de Paul VI ou de Jean-Paul II, mais c'était le Pape qui souffrait et cela nous faisait aussi souffrir».

Quant au passage concernant l'évêque vêtu de blanc, à savoir le Saint-Père - comme le perçurent immédiatement les petits bergers durant la «vision» - qui est blessé à mort et qui tombe par terre, Soeur Lucie partage pleinement l'affirmation du Pape: «Ce fut une main maternelle qui guida la trajectoire du projectile et le Pape agonisant s'arrêta au seuil de la mort» (Jean-Paul II, Méditation avec les évêques italiens depuis l'hôpital polyclinique Gemelli, 13 mai 1994).

Alors que Soeur Lucie, avant de remettre à l'évêque de Leiria-Fatima de l'époque la lettre scellée contenant la troisième partie du «secret», avait écrit sur l'enveloppe extérieure qu'elle pouvait être ouverte seulement après 1960, soit par le Patriarche de Lisbonne soit par l'évêque de Leiria, Monseigneur Bertone lui demande: «Pourquoi l'échéance de 1960? Est-ce la Vierge qui avait indiqué cette date? Soeur Lucie répond: «Ça n'a pas été Notre-Dame, mais c'est moi qui ai mis la date de 1960, car, selon mon intuition, avant 1960, on n'aurait pas compris, on aurait compris seulement après. Maintenant on peut mieux comprendre. J'ai écrit ce que j'ai vu, l'interprétation ne me regarde pas, elle regarde le Pape».

Enfin, est mentionné le manuscrit non publié que Soeur Lucie a préparé comme réponse à de nombreuses lettres de fidèles de la Vierge et de pèlerins. L'oeuvre porte le titre «Os apelos da Mensagen de Fatima» et contient des pensées et des réflexions qui expriment ses sentiments et sa spiritualité simple et limpide, sous forme catéchétique et parénétique. Il lui a été demandé si elle était contente qu'elle soit publiée; elle répondit: «Si le Saint-Père est d'accord, je suis contente, autrement j'obéis à ce que décide le Saint-Père». Soeur Lucie désire soumettre le texte à l'approbation de l'Autorité ecclésiastique, et nourrit l'espoir de contribuer, par son écrit, à guider les hommes et les femmes de bonne volonté sur le chemin qui conduit à Dieu, but ultime de toute attente humaine.

La rencontre se termine par un échange de chapelets: à Soeur Lucie est remis celui qui a été donné par le Saint-Père, et elle, à son tour, remet quelques chapelets qu'elle a personnellement confectionnés.

La Bénédiction donnée au nom du Saint-Père conclut l'entretien.


3
COMMUNICATION DE SON ÉMINENCE
LE CARDINAL ANGELO SODANO
SECRÉTAIRE D'ÉTAT DE SA SAINTETÉ

À la fin de la concélébration eucharistique solennelle présidée par Jean-Paul II à Fatima, le Cardinal Angelo Sodano, Secrétaire d'État, a prononcé en portugais les paroles que nous reproduisons ici en traduction française:

Chers Frères et Soeurs dans le Seigneur!

Au terme de cette célébration solennelle, je ressens le devoir d'adresser à notre bien-aimé Saint-Père Jean-Paul II les voeux les plus cordiaux de toutes les personnes ici présentes pour son tout proche quatre-vingtième anniversaire, le remerciant de son précieux ministère pastoral au bénéfice de toute la sainte Église de Dieu.

À l'occasion de l'événement solennel de sa venue à Fatima, le Souverain Pontife m'a chargé de vous faire une annonce. Comme vous le savez, le but de sa visite à Fatima a été la béatification des deux petits bergers. Mais il veut aussi donner à ce pèlerinage le sens d'un geste renouvelé de gratitude envers la Madone, pour la protection qu'elle lui a accordée durant ses années de pontificat. C'est une protection qui semble concerner aussi ce qu'on appelle «la troisième partie» du secret de Fatima.

Ce texte constitue une vision prophétique comparable à celles de l'Écriture sainte, qui ne décrivent pas de manière photographique les détails des événements à venir, mais qui résument et condensent sur un même arrière-plan des faits qui se répartissent dans le temps en une succession et une durée qui ne sont pas précisées. Par conséquent, la clé de lecture du texte ne peut que revêtir un caractère symbolique.

La vision de Fatima concerne surtout la lutte des systèmes athées contre l'Église et contre les chrétiens. Elle décrit l'immense souffrance des témoins de la foi du dernier siècle du deuxième millénaire. C'est un interminable chemin de croix, guidée par les Papes du vingtième siècle.

Selon l'interprétation des petits bergers, interprétation confirmée récemment par Soeur Lucie, «l'Évêque vêtu de blanc» qui prie pour tous les fidèles est le Pape. Lui aussi, marchant péniblement vers la Croix parmi les cadavres des personnes martyrisées (évêques, prêtres, religieux, religieuses et nombreux laïcs), tombe à terre comme mort, sous les coups d'une arme à feu.

Après l'attentat du 13 mai 1981, il apparut clairement à Sa Sainteté qu'il y avait eu «une main maternelle pour guider la trajectoire du projectile», permettant au «Pape agonisant» de s'arrêter «au seuil de la mort» (Jean-Paul II, Méditation avec les Évêques italiens depuis l'hôpital polyclinique Gemelli, Insegnamenti, vol. XVII1, 1994, p. 1061). À l'occasion d'un passage à Rome de l'évêque de Leiria-Fatima de l'époque, le Pape décida de lui remettre le projectile, resté dans la jeep après l'attentat, pour qu'il soit gardé dans le sanctuaire. Sur l'initiative de l'Évêque, il fut enchâssé dans la couronne de la statue de la Vierge de Fatima.

Les événements ultérieurs de 1989 ont conduit, en Union soviétique et dans de nombreux Pays de l'Est, à la chute du régime communiste, qui se faisait le défenseur de l'athéisme. Pour cela aussi, le Souverain Pontife remercie de tout coeur la Vierge très sainte. Cependant, dans d'autres parties du monde, les attaques contre l'Église et contre les chrétiens, accompagnées du poids de la souffrance, n'ont malheureusement pas encore cessé. Bien que les situations auxquelles fait référence la troisième partie du secret de Fatima semblent désormais appartenir au passé, l'appel de la Vierge de Fatima à la conversion et à la pénitence, lancé au début du vingtième siècle, demeure encore aujourd'hui d'une actualité stimulante. «La Dame du message semble lire avec une perspicacité spéciale les signes des temps, les signes de notre temps [...]. L'invitation insistante de la très Sainte Vierge Marie à la pénitence n'est que la manifestation de sa sollicitude maternelle pour le sort de la famille humaine, qui a besoin de conversion et de pardon» (Jean-Paul II, Message pour la Journée mondiale des malades 1997, n. 1: La Documentation catholique, 93 [1996], p. 1051).

Pour permettre aux fidèles de mieux recevoir le message de la Vierge de Fatima, le Pape a confié à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi le soin de rendre publique la troisième partie du secret, après en avoir préparé un commentaire approprié.

Nous remercions la Vierge de Fatima de sa protection. Nous confions à sa maternelle intercession l'Église du troisième millénaire.

Sub tuum præsidium confugimus, Sancta Dei Genetrix! Intercede pro Ecclesia! Intercede pro Papa nostro Ioanne Paulo II. Amen.

Fatima, le 13 mai 2000.


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COMMENTAIRE THÉOLOGIQUE

Celui qui lit avec attention le texte de ce qu'on appelle le troisième «secret» de Fatima, qui, après un long temps, par une disposition du Saint-Père, est publié ci-joint dans son intégralité, sera probablement déçu ou étonné après toutes les spéculations qui ont été faites. Aucun grand mystère n'est révélé; le voile de l'avenir n'est pas déchiré. Nous voyons l'Église des martyrs du siècle qui s'achève représentée à travers une scène décrite dans un langage symbolique difficile à déchiffrer. Est-ce cela que la Mère du Seigneur voulait communiquer à la chrétienté, à l'humanité, dans une période de grands problèmes et de grandes angoisses? Cela nous est-il utile au début du nouveau millénaire? Ou bien s'agit-il seulement de projections du monde intérieur d'enfants qui ont grandi dans une ambiance de profonde piété, mais qui étaient en même temps bouleversés par la tourmente qui menaçait leur époque? Comment devons-nous comprendre la vision, que faut-il en penser?

Révélation publique et révélations privées leur lieu théologique

Avant d'entreprendre une tentative d'interprétation, dont les lignes essentielles peuvent être trouvées dans la communication que le Cardinal Sodano a prononcée le 13 mai dernier à la fin de la célébration eucharistique présidée par le Saint-Père à Fatima, il convient d'effectuer quelques clarifications de fond à propos de la manière dont, selon la doctrine de l'Église, doivent être compris des phénomènes comme celui de Fatima, à l'intérieur de la vie de foi. L'enseignement de l'Église distingue entre la «révélation publique» et les «révélations privées». Entre ces deux réalités, il y a une différence non seulement de degré, mais de nature. Le terme «révélation publique» désigne l'action révélatrice de Dieu, qui est destinée à l'humanité entière et qui a trouvé son expression littéraire dans les deux parties de la Bible: l'Ancien et le Nouveau Testament. On l'appelle «révélation» parce que, en elle, Dieu s'est fait connaître progressivement aux hommes, au point de devenir lui-même homme, pour attirer à lui et réunir à lui tout le monde, par son Fils incarné, Jésus Christ. Il ne s'agit donc pas de communications intellectuelles, mais d'un processus vital, par lequel Dieu s'approche de l'homme; et dans ce processus, tout naturellement, se dévoilent aussi un contenu qui intéresse également l'intelligence et la compréhension du mystère de Dieu. Le processus concerne l'homme tout entier et donc aussi la raison, mais pas seulement cette dernière. Dieu étant unique, l'histoire qu'il vit avec l'humanité est unique; elle vaut pour tous les temps et elle a trouvé son accomplissement dans la vie, la mort et la résurrection de Jésus Christ. En Christ, Dieu a tout dit, c'est-à-dire lui-même, et donc la révélation s'est achevée avec la réalisation du mystère du Christ, qui a trouvé son expression dans le Nouveau Testament. Le Catéchisme de l'Église catholique cite un texte de saint Jean de la Croix pour expliquer que la révélation est définitive et complète: «Dès lors qu'Il nous a donné son Fils, qui est sa Parole, Dieu n'a pas d'autre parole à nous donner. Il nous a tout dit à la fois et d'un seul coup en cette seule Parole [...]; car ce qu'il disait par parties aux prophètes, Il l'a dit tout entier dans son Fils [...]. Voilà pourquoi celui qui voudrait maintenant l'interroger, ou désirerait une vision ou une révélation, non seulement ferait une folie, mais ferait injure à Dieu, en ne jetant pas les yeux uniquement sur le Christ, sans chercher autre chose en quelque nouveauté» (CÉC, n. 65: S. Jean de la Croix, Montée au Carmel, 2, 22).

Le fait que l'unique révélation de Dieu adressée à tous les peuples est achevée avec le Christ et par le témoignage qui lui est rendu dans les livres du Nouveau Testament lie l'Église à l'événement unique de l'histoire sacrée et à la parole biblique, qui garantit et interprète cet événement, mais cela ne signifie pas que l'Église pourrait maintenant regarder seulement le passé et serait ainsi condamnée à une répétition stérile. Le Catéchisme de l'Église catholique dit à ce sujet: «Même si la Révélation est achevée, elle n'est pas complètement explicitée; il restera à la foi chrétienne d'en saisir graduellement toute la portée au cours des siècles» (n. 66). Les deux aspects, à savoir le lien avec l'unicité de l'événement et la progression dans sa compréhension, sont très bien illustrés dans le dernier discours du Christ, lorque, faisant ses adieux aux disciples, il leur dit: «J'aurai encore beaucoup de choses à vous dire, mais pour l'instant vous n'avez pas la force de les porter. Quand il viendra, lui, l'Esprit de vérité, il vous guidera vers la vérité tout entière. En effet, ce qu'il dira ne viendra pas de lui-même [...]. Il me glorifiera, car il reprendra ce qui vient de moi pour vous le faire connaître» (Jn 16, 12-14). D'une part, l'Esprit est un guide et il ouvre à une connaissance, mais il manquait auparavant le présupposé pour porter le poids de cette connaissance telle est l'ampleur et la profondeur jamais atteintes de la foi chrétienne. D'autre part, cette fonction de guide est une manière de «prendre» dans le trésor de Jésus Christ lui-même, dont la profondeur insondable se manifeste dans la conduite opérée par l'Esprit. Le Catéchisme cite à ce sujet une parole profonde du Pape Grégoire le Grand: «Les divines paroles et celui qui les lit grandissent ensemble» (CÉC, n. 94, Grégoire le Grand, Homélie sur Ezéchiel, 1, 7, 8). Le Concile Vatican II indique trois voies essentielles, par lesquelles s'opèrent l'action de guide de l'Esprit Saint dans l'Église et donc la «croissance de la Parole»; cette action s'accomplit au moyen de la méditation et de l'étude par les fidèles, au moyen d'une profonde intelligence qui provient de l'expérience spirituelle et de la prédication de «ceux qui, avec la succession dans l'épiscopat, ont reçu un charisme certain de vérité» (Dei Verbum, n. 8).

Dans ce contexte, il devient désormais possible de comprendre correctement le concept de «révélation privée», qui se réfère à toutes les visions et à toutes les révélations qui ont lieu après la conclusion du Nouveau Testament; il s'agit donc de la catégorie à l'intérieur de laquelle nous devons placer le message de Fatima. À ce sujet, commençons par lire le Catéchisme de l'Église catholique: «Au fil des siècles, il y a eu des révélations dites "privées", dont certaines ont été reconnues par l'autorité de l'Église. [...] Leur rôle n'est pas [...] de "compléter" la Révélation définitive du Christ, mais d'aider à en vivre plus pleinement à une certaine époque de l'histoire» (n. 67). Deux éléments sont ainsi clarifiés:

1. L'autorité des révélations privées est substantiellement différente de l'unique révélation publique: cette dernière exige notre foi; en effet, en elle, par l'intermédiaire de paroles humaines et de la médiation de la communauté vivante de l'Église, Dieu lui-même nous parle. La foi en Dieu et dans sa Parole se distingue de toute autre foi, croyance ou opinion humaines. La certitude que Dieu parle me donne la sécurité que je rencontre la vérité elle-même, et ainsi une certitude qui ne peut se vérifier par aucune forme humaine de connaissance. C'est la certitude sur laquelle j'édifie ma vie et à laquelle je me confie en mourant.

2. La révélation privée est une aide pour la foi, et elle se manifeste comme crédible précisément parce qu'elle renvoie à l'unique révélation publique. Le Cardinal Prospero Lambertini, futur Pape Benoît XIV, dit à ce sujet dans son traité classique, devenu ensuite normatif pour les béatifications et les canonisations: «Un assentiment de foi catholique n'est pas dû à des révélations approuvées de cette manière; ce n'est même pas possible. Ces révélations requièrent plutôt un assentiment de foi humaine conforme aux règles de la prudence, qui nous les présentent comme probables et crédibles dans un esprit de piété». Le théologien flamand E. Dhanis, éminent connaisseur de cette question, affirme de manière synthétique que l'approbation ecclésiale d'une révélation privée comporte trois éléments: le message relatif ne contient rien qui s'oppose à la foi et aux bonnes moeurs; il est licite de le rendre publique, et les fidèles sont autorisés à lui donner, de manière prudente, leur adhésion [E. Dhanis, Regard sur Fatima et bilan d'une discussion, La Civiltà cattolica 104 (1953, II), pp. 392-406, en particulier p. 397]. Un tel message peut être une aide valable pour comprendre et mieux vivre l'Évangile à l'heure actuelle; c'est pourquoi il ne doit pas être négligé. Il est une aide qui est offerte, mais dont il n'est nullement obligatoire de faire usage.

Le critère pour la vérité et pour la valeur d'une révélation privée est donc son orientation vers le Christ lui-même. Quand elle nous éloigne de lui, quand elle se rend autonome ou même quand elle se fait passer pour un dessein de salut autre et meilleur, plus important que l'Évangile, elle ne vient certainement pas de l'Esprit Saint, qui nous guide à l'intérieur de l'Évangile, et non hors de lui. Cela n'exclut pas qu'une révélation privée mette de nouveaux accents, qu'elle fasse apparaître de nouvelles formes de piété, qu'elle en approfondisse ou en étende d'anciennes. Mais de toute façon, en tout cela, il doit s'agir d'une nourriture pour la foi, l'espérance et la charité, qui sont pour tous la voie permanente du salut. Nous pouvons ajouter que bien souvent les révélations privées proviennent avant tout de la piété populaire et se reflètent sur elle, lui donnent de nouvelles impulsions et ouvrent pour elle de nouvelles formes. Cela n'exclut pas qu'elles aient aussi des effets dans la liturgie elle-même, comme le montrent par exemple les fêtes du Corpus Domini et du Sacré-Coeur de Jésus. D'un certain point de vue, dans la relation entre liturgie et piété populaire, se dessine la relation entre la Révélation et les révélations privées: la liturgie est le critère, elle est la forme vitale de l'Église dans sa totalité, nourrie directement par l'Évangile. La religiosité populaire signifie que la foi plonge ses racines au coeur des peuples d'une façon telle qu'elle s'introduit dans le monde du quotidien. La religiosité populaire est la forme première et fondamentale de l'«inculturation» de la foi, qui doit continuellement se laisser orienter et guider par les indications de la liturgie, mais qui, à son tour, féconde la foi à partir du coeur.

Ainsi, nous sommes déjà passés des précisions plutôt négatives, qui de prime abord étaient nécessaires, aux déterminations positives des révélations privées: comment peut-on les classer de manière correcte à partir de l'Écriture? Quelle est leur catégorie théologique? La plus ancienne lettre de saint Paul qui nous a été conservée, le texte qui, dans l'absolu, est peut-être le plus ancien du Nouveau Testament, la première lettre aux Thessaloniciens, me semble donner une indication. L'Apôtre y écrit: «N'éteignez pas l'Esprit, ne méprisez pas les prophéties, mais discernez la valeur de toute chose, ce qui est bien, gardez-le» (5, 19-21). À toutes les époques est donné à l'Église le charisme de prophétie, qui doit être examiné, mais qui ne peut être déprécié. À ce sujet, il convient de tenir compte du fait que la prophétie, au sens biblique, ne signifie pas prédire l'avenir, mais expliquer la volonté de Dieu pour le présent, et donc montrer la voie droite vers l'avenir. Celui qui prédit l'avenir satisfait à la curiosité de la raison, qui désire ouvrir le voile de l'avenir; le prophète, quant à lui, satisfait à l'aveuglement de la volonté et de la pensée, et éclaire la volonté de Dieu comme exigence et indication pour le présent. Dans ce cas, l'importance de la prédiction de l'avenir est secondaire. Ce qui est essentiel, c'est l'actualisation de l'unique révélation, qui me concerne en profondeur: la parole prophétique est un avertissement ou encore une consolation, ou même les deux à la fois. En ce sens, on peut associer le charisme de la prophétie à la catégorie des «signes des temps», qui a été remise en lumière par le Concile Vatican II: «L'aspect de la terre et du ciel, vous savez le juger; mais le temps où nous sommes, pourquoi ne savez-vous pas le juger?» (Lc 12, 56). Par «signes des temps» dans ces paroles de Jésus, il faut entendre son propre chemin, lui-même. Interpréter les signes des temps à la lumière de la foi signifie reconnaître la présence du Christ en tout temps. Dans les révélations privées reconnues par l'Église donc aussi celle de Fatima il s'agit de ceci: nous aider à comprendre les signes des temps et à trouver pour eux la juste réponse dans la foi.

La structure anthropologique des révélations privées

Après avoir cherché à déterminer le lieu théologique des révélations privées par ces réflexions et avant de nous engager dans une interprétation du message de Fatima, nous devons encore chercher brièvement à éclaircir un peu leur caractère anthropologique (psychologique). L'anthropologie théologique distingue en ce domaine trois formes de perception ou de «vision»: la vision des sens, donc la perception externe corporelle, la perception intérieure et la vision spirituelle (visio sensibilis - imaginativa - intellectualis). Il est clair que, dans les visions de Lourdes, Fatima, etc., il ne s'agit pas de la perception normale extérieure des sens: les images et les figures qui sont vues ne se trouvent pas extérieurement dans l'espace, comme s'y trouve par exemple un arbre ou une maison. Cela est absolument évident, par exemple, en ce qui concerne la vision de l'enfer (décrite dans la première partie du «secret» de Fatima) ou encore la vision décrite dans la troisième partie du «secret», mais cela peut se montrer très facilement aussi pour les autres visions, surtout parce que toutes les personnes présentes ne les voient pas, mais en réalité seulement les «voyants». De même, il est évident qu'il ne s'agit pas d'une «vision» intellectuelle, sans images, comme on le trouve dans les autres degrés de la mystique. Il s'agit donc de la catégorie intermédiaire, la perception intérieure, qui a certainement pour le voyant une force de présence, laquelle équivaut pour lui à la manifestation externe sensible.

Voir intérieurement ne signifie pas qu'il s'agit de fantaisies, ce qui serait seulement une expression de l'imagination subjective. Cela signifie plutôt que l'âme est effleurée par la touche de quelque chose de réel, même si c'est suprasensible, et qu'elle est rendue capable de voir le non-sensible, le non-visible par les sens - une vision avec les «sens internes». Il s'agit de vrais «objets» qui touchent l'âme, bien qu'ils n'appartiennent pas à notre monde sensible habituel. C'est pourquoi cela exige une vigilance intérieure du coeur qui, la plupart du temps, n'existe pas en raison de la pression des fortes réalités externes, des images et des pensées qui remplissent l'âme. La personne est conduite au-delà de la pure extériorité et les dimensions les plus profondes de la réalité la touchent, se rendent visibles à elle. On comprendra peut-être ainsi pourquoi ce sont précisément les enfants qui sont les destinataires privilégiés de telles apparitions: l'âme est encore peu altérée, sa capacité intérieure de perception est encore peu détériorée. «De la bouche des enfants, des tout-petits, tu as fait monter la louange»; c'est par une phrase de Psaume 8 (v. 3) que Jésus répond à la critique des Chefs des Prêtres et des Anciens, qui trouvaient inopportun le cri «Hosanna» poussé par des enfants (cf. Mt 21, 16).

La «vision intérieure» n'est pas une fantaisie, mais une manière véritable et précise d'opérer une vérification, comme nous l'avons dit. Mais elle comporte aussi des limites. Déjà dans les visions extérieures, il existe aussi un facteur subjectif: nous ne voyons pas l'objet pur, mais celui-ci nous parvient à travers le filtre de nos sens, qui doivent accomplir un processus de traduction. Cela est encore plus évident dans la vision intérieure, surtout lorsqu'il s'agit de réalités qui outrepassent en elles-mêmes notre horizon. Le sujet, le voyant, est engagé de manière encore plus forte. Il voit avec ses possibilités concrètes, avec les modalités représentatives et cognitives qui lui sont accessibles. Dans la vision intérieure, il s'agit encore plus largement que dans la vision extérieure d'un processus de traduction, de sorte que le sujet est de manière essentielle participant de la formation, sous mode d'images, de ce qui apparaît. L'image peut advenir seulement selon ses mesures et ses possibilités. Ces visions ne sont donc jamais de simples «photographies» de l'au-delà, mais elles portent aussi en elles-mêmes les possibilités et les limites du sujet qui perçoit.

On peut le montrer à travers toutes les grandes visions des saints; naturellement, cela vaut aussi pour les visions des enfants de Fatima. Les images qu'ils ont décrites ne sont pas en effet une simple expression de leur fantaisie, mais le fruit d'une réelle perception d'origine supérieure et intérieure, elles ne sont pas non plus à envisager comme si, pour un instant, le voile de l'au-delà avait été enlevé et que le ciel apparaissait dans ce qu'il a de purement essentiel, de la manière dont nous espérons le voir un jour dans l'union définitive avec Dieu. Les images sont plutôt, pour ainsi dire, une synthèse de l'impulsion qui provient d'En Haut et des possibilités de ce fait disponibles du sujet qui perçoit, en l'occurrence des enfants. C'est pour cela que le langage imaginatif de ces visions est un langage symbolique. Le Cardinal Sodano dit à ce sujet: les visions «ne décrivent pas de manière photographique les détails des événements à venir, mais résument et condensent sur un même arrière-plan des faits qui se répartissent dans le temps en une succession et une durée qui ne sont pas précisées». Ce rassemblement de temps et d'espace en une image unique est typique de telles visions, qui en règle générale ne peuvent être déchiffrées qu'a posteriori. Dans ce domaine, on ne peut pas dire que chaque élément visuel doive avoir un sens historique concret. C'est la vision dans son ensemble qui compte, et c'est à partir de l'ensemble des images que les éléments particuliers doivent être compris. Quel que soit le centre d'une image, elle se révèle de manière ultime à partir de ce qui est le centre de la «prophétie» chrétienne elle-même: le centre est là où la vision devient appel et guide vers la volonté de Dieu.

Une tentative d'interprétation du «secret» de Fatima

La première et la deuxième partie du «secret» de Fatima ont déjà été discutées amplement dans la littérature qui le concerne et qu'il n'est pas utile de les illustrer ici une nouvelle fois. Je voudrais seulement attirer brièvement l'attention sur le point le plus significatif. Pendant un instant terrible, les enfants ont fait l'expérience d'une vision de l'enfer. Ils ont vu la chute des «âmes des pauvres pécheurs». Et maintenant, il leur est dit pourquoi ils ont été exposés à cet instant: «pour les sauver [les âmes]» pour montrer un chemin de salut. Il vient à l'esprit la phrase de la première lettre de Pierre: «... Sûrs d'obtenir l'objet de votre foi: le salut des âmes» (1, 9). Comme chemin vers ce but, est indiquée de manière surprenante pour des personnes provenant de l'ère culturelle anglo-saxonne et allemande la dévotion au Coeur immaculé de Marie. Pour comprendre cela, une brève indication suffira ici. «Coeur» signifie dans le langage de la Bible le centre de l'existence humaine, la jonction entre la raison, la volonté, le tempérament et la sensibilité, où la personne trouve son unité et son orientation intérieure. Le «coeur immaculé» est, selon Mt 5, 8, un coeur qui, à partir de Dieu, est parvenu à une parfaite unité intérieure et donc «voit Dieu». La «dévotion» au Coeur immaculé de Marie est donc une façon de s'approcher du comportement de ce coeur, dans lequel le fiat que ta volonté soit faite devient le centre qui informe toute l'existence. Si quelqu'un voulait objecter que nous ne devrions pas cependant interposer un être humain entre le Christ et nous, on devrait alors se rappeler que Paul n'a pas eu peur de dire à ses propres communautés: imitez-moi (cf. 1 Co 4, 16; Ph 3, 17; 1 Th 1, 6; 2 Th 3, 7. 9). Chez l'Apôtre, les communautés peuvent vérifier concrètement ce que signifie suivre le Christ. De qui pourrions-nous en tout temps apprendre d'une manière meilleure, sinon de la Mère du Seigneur?

Ainsi, nous arrivons finalement à la troisième partie du «secret» de Fatima, publié ici pour la première fois dans son intégralité. Comme il ressort de la documentation précédente, l'interprétation que le Cardinal Sodano a donnée dans son texte du 13 mai a, dans un premier temps, été présentée personnellement à Soeur Lucie. À ce sujet, Soeur Lucie a tout d'abord observé qu'elle avait reçu la vision, mais pas son interprétation. L'interprétation, disait-elle, ne revient pas au voyant, mais à l'Église. Toutefois, après la lecture du texte, elle a dit que cette interprétation correspondait à ce dont elle avait fait l'expérience et que, pour sa part, elle reconnaissait cette interprétation comme correcte. Donc, dans ce qui suit, on pourra seulement chercher à donner de manière approfondie un fondement à cette interprétation à partir des critères développés jusqu'ici.

Comme parole-clé de la première et de la deuxième parties du «secret», nous avons découvert celle qui dit «sauver les âmes»; de même, la parole-clé de ce «secret» est un triple cri: «Pénitence, Pénitence, Pénitence!» Il nous revient à l'esprit le début de l'Évangile: «Pænitemini et credite evangelio» (Mc 1, 15). Comprendre les signes des temps signifie comprendre l'urgence de la pénitence - de la conversion - de la foi. Telle est la réponse juste au moment historique, marqué par de graves dangers qui seront exprimés par les images ultérieures. Je me permets de rappeler ici un souvenir personnel; dans un colloque avec moi, Soeur Lucie m'a affirmé qu'il lui apparaissait toujours plus clairement que le but de toutes les apparitions a été de faire croître toujours plus dans la foi, dans l'espérance et dans la charité - tout le reste entendait seulement porter à cela.

Examinons maintenant d'un peu plus près les différentes images. L'ange avec l'épée de feu à la gauche de la Mère de Dieu rappelle des images analogues de l'Apocalypse. Il représente la menace du jugement, qui plane sur le monde. La perspective que le monde pourrait être englouti dans une mer de flammes n'apparaît absolument plus aujourd'hui comme une pure fantaisie: l'homme lui-même a préparé l'épée de feu avec ses inventions. La vision montre ensuite la force qui s'oppose au pouvoir de destruction la splendeur de la Mère de Dieu et, provenant d'une certaine manière de cette splendeur, l'appel à la pénitence. De cette manière est soulignée l'importance de la liberté de l'homme: l'avenir n'est absolument pas déterminé de manière immuable, et l'image que les enfants ont vue n'est nullement un film d'anticipation de l'avenir, auquel rien ne pourrait être changé. Toute cette vision se produit en réalité seulement pour faire apparaître la liberté et pour l'orienter dans une direction positive. Le sens de la vision n'est donc pas de montrer un film sur l'avenir irrémédiablement figé. Son sens est exactement opposé, à savoir mobiliser les forces pour tout changer en bien. Aussi sont-elles totalement fourvoyées les explications fatalistes du «secret» qui affirme par exemple que l'auteur de l'attentat du 13 mai 1981 aurait été, en définitive, un instrument du plan divin, guidé par la Providence, et qu'il n'aurait donc pas pu agir librement, ou encore d'autres idées semblables qui circulent. La vision parle plutôt de dangers et de la voie pour en être sauvegardé.

Les phrases qui suivent dans le texte montrent encore une fois très clairement le caractère symbolique de la vision: Dieu reste l'incommensurable et la lumière qui dépasse toute notre vision. Les personnes humaines apparaissent comme dans un miroir. Nous devons garder continuellement présente cette limitation interne de la vision, dont les limites sont ici visuellement indiquées. L'avenir se dévoile seulement «comme dans un miroir, de manière confuse» (cf 1 Co 13, 12). Prenons maintenant en considération les diverses images qui suivent dans le texte du «secret». Le lieu de l'action est décrit par trois symboles: une montagne escarpée, une grande ville à moitié en ruines et finalement une grande croix en troncs grossiers. La montagne et la ville symbolisent le lieu de l'histoire humaine: l'histoire comme une montée pénible vers les hauteurs, l'histoire comme lieu de la créativité et de la convivialité humaines, mais en même temps comme lieu de destructions, par lesquelles l'homme anéantit l'oeuvre de son propre travail. La ville peut être lieu de communion et de progrès, mais aussi lieu des dangers et des menaces les plus extrêmes. Sur la montagne se trouve la croix - terme et point de référence de l'histoire. Par la croix, la destruction est transformée en salut; elle se dresse comme signe de la misère de l'histoire et comme promesse pour elle.

Ici, apparaissent ensuite deux personnes humaines: l'évêque vêtu de blanc («nous avons eu le pressentiment que c'était le Saint-Père»), d'autres évêques, des prêtres, des religieux et religieuses, et enfin des hommes et des femmes de toutes classes et toutes catégories sociales. Le Pape semble précéder les autres, tremblant et souffrant à cause de toutes les horreurs qui l'entourent. Non seulement les maisons de la ville sont à moitié écroulées, mais son chemin passe au milieu de cadavres des morts. La marche de l'Église est ainsi décrite comme un chemin de croix, comme un chemin dans un temps de violence, de destruction et de persécutions. On peut trouver représentée dans ces images l'histoire d'un siècle entier. De même que les lieux de la terre sont synthétiquement représentés par les deux images de la montagne et de la ville, et sont orientés vers la croix, de même aussi les temps sont présentés de manière condensée: dans la vision, nous pouvons reconnaître le siècle écoulé comme le siècle des martyrs, comme le siècle des souffrances et des persécutions de l'Église, comme le siècle des guerres mondiales et de beaucoup de guerres locales, qui en ont rempli toute la seconde moitié et qui ont fait faire l'expérience de nouvelles formes de cruauté. Dans le «miroir» de cette vision, nous voyons passer les témoins de la foi de décennies. À ce sujet, il semble opportun de mentionner une phrase de la lettre que Soeur Lucie a écrite au Saint-Père le 12 mai 1982: «La troisième partie du "secret" se réfère aux paroles de Notre-Dame: "Sinon [la Russie] répandra ses erreurs à travers le monde, favorisant guerres et persécutions envers l'Église. Les bons seront martyrisés, le Saint-Père aura beaucoup à souffrir, diverses nations seront détruites"».

Dans le chemin de croix de ce siècle, la figure du Pape a un rôle spécial. Dans sa pénible montée sur la montagne, nous pouvons sans aucun doute trouver rassemblés différents Papes qui, depuis Pie X jusqu'au Pape actuel, ont partagé les souffrances de ce siècle et se sont efforcés d'avancer au milieu d'elles sur la voie qui mène à la croix. Dans la vision, le Pape aussi est tué sur la voie des martyrs. Lorsque, après l'attentat du 13 mai 1981, le Pape se fit apporter le texte de la troisième partie du «secret», ne devait-il pas y reconnaître son propre destin? Il a été très proche des portes de la mort et il a lui-même expliqué de la manière suivante comment il a été sauvé: «C'est une main maternelle qui guida la trajectoire de la balle et le Pape agonisant s'est arrêté au seuil de la mort» (13 mai 1994). Qu'ici une «main maternelle» ait dévié la balle mortelle montre seulement encore une fois qu'il n'existe pas de destin immuable, que la foi et la prière sont des puissances qui peuvent influer sur l'histoire et que, en définitive, la prière est plus forte que les projectiles, la foi plus puissante que les divisions.

La conclusion du «secret» rappelle des images que Soeur Lucie peut avoir vues dans des livres de piété et dont le contenu provient d'anciennes intuitions de foi. C'est une vision consolante, qui veut qu'une histoire de sang et de larmes soit perméable à la puissance de guérison de Dieu. Des Anges recueillent sous les bras de la croix le sang des martyrs et irriguent ainsi les âmes qui s'approchent de Dieu. Le sang du Christ et le sang des martyrs doivent être considérés ensemble: le sang des martyrs jaillit des bras de la croix. Leur martyre s'accomplit en solidarité avec la passion du Christ, il devient un tout avec elle. Ils complètent pour le Corps du Christ ce qui manque encore à ses souffrances (cf. Col 1, 24). Leur vie est devenue elle-même eucharistie, incorporée dans le mystère du grain de blé qui meurt et qui devient fécond. Le sang des martyrs est semence de chrétiens, a dit Tertullien. De même que de la mort du Christ, de son côté ouvert, est née l'Église, de même la mort des témoins est féconde pour la vie future de l'Église. La vision de la troisième partie du «secret», tellement angoissante à ses débuts, s'achève donc sur une image d'espérance: aucune souffrance n'est vaine, et précisément une Église souffrante, une Église des martyrs, devient un signe indicateur pour l'homme à la recherche de Dieu. Dans les mains amoureuses de Dieu sont accueillies non seulement les personnes qui souffrent comme Lazare, qui a trouvé une grande consolation et qui mystérieusement représente le Christ, Lui qui a voulu devenir pour nous le pauvre Lazare; mais il y a plus encore: des souffrances des témoins provient une force de purification et de renouveau, parce qu'elle est une actualisation de la souffrance même du Christ, et qu'elle transmet aujourd'hui son efficacité salvatrice.

Nous sommes ainsi arrivés à une ultime interrogation: que signifie dans son ensemble (dans ses trois parties) le «secret» de Fatima? Que nous dit-il à nous? Avant tout, nous devons affirmer avec le Cardinal Sodano: «Les situations auxquelles fait référence la troisième partie du "secret" de Fatima semblent désormais appartenir au passé». Dans la mesure où des événements particuliers sont représentés, ils appartiennent désormais au passé. Ceux qui attendaient des révélations apocalyptiques excitantes sur la fin du monde et sur le cours futur de l'histoire seront déçus. Fatima n'offre pas de telles satisfactions à notre curiosité, comme du reste en général la foi chrétienne ne veut pas et ne peut pas être une pâture pour notre curiosité. Ce qui reste, nous l'avons vu dès le début de notre réflexion sur le texte du «secret»: l'exhortation à la prière comme chemin pour le «salut des âmes» et, dans le même sens, l'appel à la pénitence et à la conversion.

Je voudrais enfin reprendre encore une autre parole-clé du «secret» devenue célèbre à juste titre: «Mon Coeur immaculé triomphera». Qu'est-ce que cela signifie? Le Coeur ouvert à Dieu, purifié par la contemplation de Dieu, est plus fort que les fusils et que les armes de toute sorte. Le fiat de Marie, la parole de son coeur, a changé l'histoire du monde, parce qu'elle a introduit le Sauveur dans le monde car, grâce à son «oui», Dieu pouvait devenir homme dans notre monde et désormais demeurer ainsi pour toujours. Le Malin a du pouvoir sur ce monde, nous le voyons et nous en faisons continuellement l'expérience; il a du pouvoir parce que notre liberté se laisse continuellement détourner de Dieu. Mais, depuis que Dieu lui-même a un coeur d'homme et a de ce fait tourné la liberté de l'homme vers le bien, vers Dieu, la liberté pour le mal n'a plus le dernier mot. Depuis lors, s'imposent les paroles: «Dans le monde, vous trouverez la détresse, mais ayez confiance; moi je suis vainqueur du monde» (Jn 16, 33). Le message de Fatima nous invite à nous fier à cette promesse.

JosephCard. Ratzinger
Préfet de la Congrégation
pour la Doctrine de la Foi


IV. NOTES

(1) Du journal de Jean XXIII, 17 août 1959: «Audience: P. Philippe, Commissaire du S.O., qui me porte la lettre contenant la troisième partie du secret de Fatima. Je me réserve de la lire avec mon confesseur».

(2) Il faut se rappeler le commentaire que le Saint-Père fit à l'audience générale du 14 octobre 1981 sur «l'événement du mois de mai: grande épreuve divine»: Insegnamenti di Giovanni Paolo II, IV, 2, Cité du Vatican (1981), pp. 409-412.

(3) Radiomessage durant la Messe dans la Basilique Sainte-Marie-Majeure. Vénération, remerciements et consécration à la Vierge Marie, la Théotokos: Insegnamenti di Giovanni Paolo II, IV, 1, Cité du Vatican (1981), p. 1246.

(4) Au cours de la journée jubilaire des familles, le Pape consacre à la Vierge Marie les hommes et les nations: Insegnamenti di Giovanni Paolo II, VII, 1, Cité du Vatican (1984), pp. 775-777: La Documentation catholique 81 (1984), p. 287.

(5) Le document offre ici la photocopie du texte original en portugais.

(6) Dans le «quatrième mémoire» du 8 décembre 1941, Soeur Lucie écrit: «Je commence donc mon nouveau devoir et j'obéirai aux ordres de Votre Excellence Révérendissime et aux désirs du Docteur Galamba. Hormis la part du secret qu'il ne m'est pas permis de révéler maintenant, je dirai tout. Je ne tairai rien volontairement. J'admets que je pourrai oublier quelques détails de minime importance».

(7) Dans le «quatrième mémoire» cité précédemment, Soeur Lucie ajoute: «Au Portugal, se conservera toujours le dogme de la foi, etc.».

(8) Dans la traduction, on a respecté le texte original, même dans les imprécisions de ponctuation, qui n'empêchent d'ailleurs pas la compréhension de ce que la voyante a voulu dire.


FATIMA: LE "MESSAGE", PLUS FORT QUE LE "SECRET"
L'optimisme de Fatima: l'homme peut dévier le cours de l'histoire

ROME, dimanche 25 juin 2000 (ZENIT.org) - Le document théologique et pastoral sur le "troisième secret" de Fatima qui sera présenté demain en six langues par le cardinal Joseph Ratzinger, Préfet de la congrégation pour la Doctrine de la Foi, aura une trentaine de pages, son titre insistera sur le "Message" de Fatima. Il sera donc loin du "sensationnalisme", comme le cardinal le confiait aujourd'hui à la télévision italienne. "L'histoire n'est pas une prison immuable", conclut pour sa part Vittorio Messori. La télévision italienne transmettra la conférence de presse en direct.

Et pour éviter les doutes sur le texte lui-même cette édition présentera une photo de l'autographe de Soeur Lucie, la troisième voyante, actuellement carmélite à Coimbre, au Portugal. Cet autographe, en portugais, a été rédigé par la religieuse entre décembre 1943 et janvier 1944. Cela constitue une preuve de la transparence de la publication. La carmélite l'avait fait remettre au pape Jean XXIII sous enveloppe fermée. Elle recommandait de ne pas le divulguer avant 1960.

Ce feuillet contient - dans entre 20 et 30 lignes - le message qu'elle témoigne avoir reçu de la Vierge Marie avec ses deux cousins, les bienheureux Jacinta et Francisco Marto, le 13 juillet 1917 à la "Cova da Iria": c'était la troisième apparition. Aucun de ses prédécesseurs n'avaient jugé opportun de publier le contenu de cette partie du message reçu comme un "secret" par les enfants. Mais Jean-Paul II a décidé de lever le voile à l'occasion de son pèlerinage jubilaire à Fatima, le 13 mai dernier.

Le cardinal Secrétaire d'Etat, Angelo Sodano, avait lu, à la fin de la messe de béatification l'essentiel du message: la lutte des systèmes athées contre l'Eglise et les chrétiens; les souffrances des témoins de la foi; un chemin de croix conduit par les papes, et un évêque "vêtu de blanc" (le pape disaient les voyants) portant la croix au milieu des cadavres des martyrs, et qui tombe à terre "comme mort sous les coups d'une arme à feu".

Le message global reçu par les enfants concernait six points:

* Une vision de l'enfer;

* Le don d'un moyen pour éviter d'en prendre le chemin: la dévotion au Coeur Immaculé de Marie;

* L'annonce de la proximité de la fin de la première guerre mondiale et l'avertissement qu'une seconde guerre éclaterait, sous le pontificat de Pie XI, si les hommes ne faisaient pas pénitence;

* La demande de la consécration de la Russie au Coeur Immaculé de Marie, sa conversion étant liée à la paix; autrement ses "erreurs" se diffuseront provoquant des persécutions contre l'Eglise: "beaucoup de bons seront martyrisés, le Saint-Père aura à souffrir beaucoup";

* Une partie non communiquée jusqu'au 13 mai dernier, concernant l'évêque en blanc, etc...

* L'annonce de la conservation de la foi catholique au Portugal. On remarque que l'essentiel était déjà connu avant le dévoilement du 13 mai dernier.

Le cardinal Ratzinger soulignait aujourd'hui à la télévision italienne (RAI 2) que la béatification des pastoureaux Jacinta et Francisco le 13 mai dernier, manifestaient la "grande personnalité" des deux bienheureux, pourtant si jeunes. "Cela nous dit quelque chose sur l'homme petit, sur l'homme simple", expliquait le cardinal. Et pour ce qui est du "secret", il soulignait que loin du "sensationnalisme", il s'agit de la "disponibilité" de l'homme à "changer", se "convertir", "se renouveler", dans une démarche de pénitence. L'important dans le "message" de Fatima, c'est, disait-il, la capacité humaine de "se réconcilier" et de "pardonner".

Le cardinal rappelait dans ce sens le "singulier" voyage de Jean-Paul II en Terre-Sainte et son fruit de réconciliation, entre Chrétiens et Juifs, entre Chrétiens et Musulmans. Il évoquait ensuite la célébration du pardon, le 12 mars, à Saint-Pierre: une liturgie de confession des péchés où se manifeste le "courage de l'humilité" de Jean-Paul II. Enfin, le cardinal Ratzinger disait avoir été personnellement "touché" par la célébration des Témoins du XXe s., le 17 mai, au Colisée. Cela montre que dans l'Eglise il n'y a pas "que des fautes", mais aussi ces témoins capables de souffrir pour le nom du Christ.

L'écrivain italien Vittorio Messori estime aujourd'hui dans le "Corriere della Sera" que le fait que l'annonce de la mort de l'évêque en blanc "sous les coups de feu" n'ai pas été vérifiée est la preuve que le cours de l'histoire peut être infléchi par les prières, les supplications, les offrandes et sacrifices: et en premier l'intercession de la Vierge Marie. Le pape lui-même reconnaît, rappelle Messori, qu'une main a tiré (celle de Ali Agca) et qu'une autre (celle de la Vierge) a détourné la trajectoire de la balle. "L'histoire n'est pas une prison immuable", conclut Messori. Il relève cet aspect "optimiste", "consolant" du message.

Pour Orazio Petrosillo dans le "Messaggero", le dévoilement de ce "secret" fait tomber une fois pour toutes les hypothèses apocalyptiques que l'imaginaire avait construit: "L'apocalypse n'aura pas lieu" titre le quotidien italien.

Enfin, si le mariologue français René Laurentin, déclarait il y a deux jours à FIDES que le secret avait nuit dans la mesure où il suscitait trop de curiosité, l'expert reconnaissait en même temps que le secret avait aussi réveillé une "espérance" pour les réalités de l'au-delà. ZF00062504


POURQUOI JEAN XXIII ET PAUL VI N'ONT-ILS PAS RÉVÉLÉ LE TROISIÈME SECRET DE FATIMA ?
Déclarations du théologien du Pape, le Père Georges Cottier

CITÉ DU VATICAN, jeudi 29 juin (ZENIT.org/AVVENIRE) - Le Père Georges Cottier a suivi de près l'histoire du "secret" de Fatima. En tant que théologien de la Maison Pontificale, entre autres, il donne des conseils à Jean-Paul II. A l'instar d'autres collaborateurs directs du Saint Père et du Cardinal
Joseph Ratzinger (il est aussi secrétaire général de la Commission Théologique Internationale), il a donné son point de vue sur la manière de présenter les révélations de Marie à Fatima. Il est donc dans une situation privilégiée pour répondre aux questions qui ont été soulevées après la publication du message.

- Père Cottier, quelle relecture de l'histoire nous donne la vision de Fatima ?
- G. Cottier : le message est en syntonie avec l'Apocalypse et l'esprit prophétique du Nouveau Testament. Il me semble que son sens est le suivant : l'Église, qui prolonge l'oeuvre du Christ dans l'histoire, est poursuivie en permanence par le démon, le "père du mensonge" qui oeuvre dans le monde.
Nous avons une vision trop plate de l'histoire : à la base il y a toujours la lutte entre le bien et le mal qui interpelle la liberté humaine. Dans ce combat, l'homme se rend compte qu'il n'est pas enfermé dans l'immanence de l'histoire, mais qu'il se trouve sur un chemin rude qui mène à la béatitude
en Dieu, un chemin sur lequel peut se présenter le danger de la condamnation, de la perte totale de soi-même. C'est un concept qui appartient à l'Apocalypse et que nous trouvons aussi à Fatima.

- Comment peut-on alors concilier la liberté avec le dessein de la Providence ?
- G. Cottier : Cela est un grand mystère. Dieu, qui est éternité, voit toute l'amplitude de l'histoire humaine, mais il nous a créés libres et pour nous sauver il nous demande notre collaboration. La liberté fait de nous des collaborateurs du dessein de Dieu. C'est pour cela que des prophéties comme
celle de Fatima, qui touche le temps présent et la direction que nous devons donner à l'avenir, sont "conditionnelles" c'est-à-dire qu'elles ne sont ni fatalistes ni déterministes.
Le message de Fatima doit être compris comme un avertissement et non comme une prédiction : "si vous continuez à pécher, vous risquez de subir ces malheurs ; si vous vous convertissez, vous les éviterez".

- Pourquoi le troisième secret est-il resté caché pendant si longtemps ?
- C'est une question de prudence pastorale. Jean XXIII ou Paul VI auraient pu révéler le contenu du message. Le Pape Roncalli a eu la grande intuition du Concile mais pouvait-il convoquer une assemblée qui s'adressait à tous les hommes de bonne volonté, qui ne se fermait même pas aux persécuteurs, et
parler en même temps des châtiments qu'eux-mêmes infligent ? Paul VI a cherché des fentes en Europe de l'est, où l'Église était martyrisée, pour étudier la plus petite possibilité d'aider les chrétiens qui se trouvaient de l'autre côté du rideau de fer. Pouvait-il publier un texte qui parlait aussi
ouvertement de persécutions ?

- Jean-Paul II a fait le lien entre le message et son destin personnel. Le Cardinal Ratzinger, dans sa présentation du commentaire du message de Fatima, le 26 juin, a dit clairement que Ali Agça, qui avait tenté d'assassiner Jean-Paul II le 13 mai 1981, avait agi librement.
- G. Cottier : Le Pape dit que la main de la Vierge a dévié la balle. L'homme responsable de l'attentat aurait pu se comporter différemment, mais il a réalisé le projet criminel de supprimer une figure qui constituait une menace politique. Il fut un instrument d'un plan assassin et utilisa sa liberté
pour faire le mal. On ne peut pas parler de déterminisme ou de hasard : la Providence de Dieu guide l'existence de chacun, spécialement celle de l'Église et du Pape, mais elle ne supprime la liberté de personne.

- La prophétie de Fatima n'était donc pas "inévitable". Elle aurait pu ne pas se réaliser ?
- G. Cottier : Ce qui est dit dans la prophétie aurait pu ne pas se réaliser du tout, mais la prophétie n'aurait pas pour autant perdu son sens : la vision des petits bergers est celle de l'Église martyre. Elle invite à lire les signes des temps pour nous faire grandir dans la foi, l'espérance et la
charité à travers la pénitence. L'attentat n'est que la page la plus surprenante.

- Vous ne croyez pas qu'à l'heure actuelle l'Église a du mal à reconnaître la prophétie et qu'elle finit par lui retirer sa force?
- G. Cottier : C'est une question de discernement, essentielle dans les questions qui touchent de si près la dévotion des personnes. Mais il existe un goût malsain du superficiel. Toute révélation privée, reconnue par l'Église, doit être mise à sa juste place dans la hiérarchie de la foi : le culte de
l'Eucharistie par exemple, est beaucoup plus important.

- Certains ont en revanche accusé l'Église de tout le contraire : de donner beaucoup d'importance au "secret" de Fatima. Vous ne croyez pas que l'Église est là en train de toucher des thèmes qui vont bien au-delà du rationnel ?
- G. Cottier : L'Église n'a jamais encouragé le goût exagéré de l'extraordinaire. Le seul vrai coupable d'une lecture unidimensionnelle de la vie et de l'histoire, qui écrase l'homme, en le privant de la vision de son destin transcendant, c'est le rationalisme moderne. L'Église a le mérite de
présenter ces thèmes de façon sérieuse, aux non croyants. L'attitude de nier "a priori" cet horizon est une attitude irrationnelle.

- Pensez-vous que la connaissance du troisième "secret" de Fatima ait influencé les papes ?
- G. Cottier : ils y ont vu la vocation de l'Église au martyre, et ils ont certainement approfondi cette vocation. Si l'on prend le cas de Jean-Paul II, par exemple, si nous relisons la lettre "Tertio millennio adveniente", nous nous rendons compte que l'Église est redevenue martyre au XXe siècle.
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